Le paralllisme ngatif sera : Ce n est pas un tonneau mais une tte. Le parall lisme rendu logique la comparaison : cette tte est comme un tonneau. Paralllisme invers : ce n est pas une tte mais un tonneau.
Et enfin, la projection du paralllisme invers dans le temps la mtamorphose : la tte est deve nue un tonneau cette tte n est plus une tte mais un tonneau. La posie manie souvent des images concrtes comme si c taient des figures verbales procd de concrtisation inverse : c est le cas des calembours. L ide de lespace comme une convention picturale et du tem ps idographique sinfiltre dans la science de lart. Mais le problme du temps et de lespace comme formes du langage potique est encore tranger la science.
La violence que le langage exerce sur l espace littraire est par ticulirement nette dans le cas des descriptions, lorsque les parties coexistant dans lespace sont disposes en une succes sion temporelle. A la suite de quoi Lessing va jusqu carter. Quant au tem ps littraire, c est le procd de dplacement temporel qui olfre la recherche un champ particulirement vaste.
J ai cit dj les mots du critique : Byron a commenc raconter partir du milieu de l incident, ou de sa fin. Voir p ar exemple la M ort d'Ivan Ilitch o le dnouement est donn avant le rcit. Voir Oblomov o le dplacement tem porel est justifi par le rve du hros, etc.
Il existe une classe particulire de lecteurs qui imposent ce procd toute uvre littraire, en commenant par lire le dnouement. Comme exprience de laboratoire, on trouve le dplacement tem po rel chez Edgar Poe, dans le Corbeau, qui a t invers seule ment aprs avoir t achev.
Chez Khlebnikov le dplacement temporel est dnud, c est--dire immotiv. Tel est le Diablo tin, tels sont les Enfants de la loutre a. Les motifs librement enfils ne dcoulent pas l un de l autre par ncessit logique mais se combinent selon le principe de la ressemblance ou du contraste formels; cf. Ce procd est consacr par son anciennet sculaire, mais chez Khlebnikov il est dnud : le fil justificatif m an que. La langue parle a servi de matriau pour une grande par tie des uvres de Khlebnikov.
Mallarm disait aussi q u il servait au bourgeois les mots que celui-ci lit tous les jours dans son journal, mais quil les servait dans une combinai son droutante. L inconnu surgit et frappe uniquement sur le fond du connu.
Il arrive un moment o le langage potique tradi tionnel se fige, cesse d tre senti, comiiience tre vcu comme un rite, comme un texte canonique, dont les erreurs mmes paraissent sacres. Le langage de la posie se couvre de patine, ni les tropes ni les licences potiques ne disent plus rien l esprit. L arrive d un matriau nouveau, d lments frais du lan gage quotidien devient ncessaire si lon veut que les cons tructions potiques irrationnelles rjouissent, effraient et touchent de nouveau. L extinction de la forme esthtique n est pas propre la seule posie.
D o naturellement lexigence de figer le langage des potes du pass, d imposer leur vocabulaire, syntaxe et smantique comme norme. L a posie se sert de mots inhabituels. En particulier, est inhabituelle la glosse Aristote. On rapporte ici les. Mais les symbolistes oublient ce qui tait clair pour Aristote : Un mme nom peut tre aussi bien une glosse q u un m ot de l usage courant, mais non chez les mmes personnes.
Ils oublient que la glosse de Pouchkine n est plus glosse dans le langage potique actuel, mais strotype. Ainsi Viatcheslav Ivanov finit par recommander aux jeunes potes d utiliser de prfrence le vocabulaire de Pouchkine : si le mot se trouve chez Pouchkine, c est un critre suffisant de sa poticit.
La syntaxe de Khlebnikov remarques isoles. Le prdicat-verbe est la partie la plus im portante de la phrase et de notre discours en gnral.
Souvent l absence de verbes est une tendance caractris tique du langage potique. Chez Pouchkine et ses contemporains, cette fonction tait remplie, d une part, selon la juste rem ar que de O. Brik, par des pithtes indiffrentes du type pure beaut , admirable tte ou mme un tel roi , une telle anne ; d autre part, par des pithtes extrieures qui n ont, selon lexpression d un contemporain.
C est ce dernier type d'pithtes qui caractrise aussi Khlebnikov. Le problme de la comparaison potique chez Khlebnikov est extrmement complexe. Je me conten terai ici de poser quelques jalons. Q u est-ce q u une comparaison potique? En laissant de ct sa fonction symtrique, on peut caractriser la com pa raison comme lun des moyens d'introduire dans la tournure potique une srie d lments qui ne sont pas amens par la marche logique de la narration.
Chez Khlebnikov, les comparaisons ne sont presque jamais justifies par une impression relle de ressemblance entre les objets, mais apparaissent en fonction de la composition. En utilisant la formulation image de Khlebnikov, savoir q u il y a des mots qui permettent de voir, des motsyeux, et des mots-mains, qui permettent de faire, on dira : Khlebnikov pratique prcisment les comparaisons-mains.
Chez Khlebnikov les juxtapositions se contaminent. Gomme une voile noire la mer blanche des prunelles froces traversaient en biais les yeux. Les terribles yeux blancs se levaient vers les sourcils en tte de mort, pendue par les cheveux Esir. Les images sont contamines : la couleur, le blanc par le noir; la ligne, la mer par la voile.
Cette vise de lexpression, de la masse verbale, que je qualifie de moment unique et essentiel de la posie, touche non seulement aux combinaisons de mots, mais aussi la. L association mcanique par contigut entre le son et le sens se ralise d autant plus rapidem ent q u elle est plus habituelle.
D o le caractre conservateur du langage quotidien. La forme du mot meurt rapidement. En posie, le rle de l association mcanique est rduit au minimum, alors que la dissociation des lments verbaux acquiert un intrt exceptionnel. Les lments dissocis forment facilement des combinaisons nouvelles. Les affixes morts saniment. Le nologisme enrichit la posie sous trois rapports : 1. Il cre une tache euphonique clatante alors que les vieux mots vieillissent aussi phontiquement, effacs par lusage frquent, et surtout parce q u on ne peroit q u en partie leur constitution phonique.
On cesse facilement d tre conscient de la forme des mots dans le langage quotidien, celle-ci meurt, se ptrifie, alors q u on est oblig de percevoir la forme du nologisme potique, qui nous est donne, pour ainsi dire, in statu nascendi. A un mom ent donn, le sens d un mot est plus ou moins statique, alors que le sens du nologisme est dtermin, dans une large mesure, par le contexte ; de surcrot, il oblige le lecteur une pense tymologique.
De manire gnrale, ltymologie joue toujours un grand rle en posie; on dis tinguera deux types de cas : a rnovation du sens. Voir par exemple touchnye tuchi les nuages gros, tym. On peut obtenir une telle rnovation non seulement par la juxtapo.
Parallle l tymologie popu laire du langage quotidien. L absence possible de tout objet dsign est une proprit im portante du nologisme potique. La loi de l tymologie potique fonctionne, la forme verbale, interne et externe, est vcue, mais ce que Husserl appelle dinglicher Bezug est absent. Dans une certaine mesure aucun mot potique n a d objet. Ce quoi pensait le pote franais qui disait que la fleur potique est l'absente de tous bouquets.
Le langage potique connat un procd lmentaire : le rapprochement de deux units. Les variantes smantiques de ce procd sont : le parall lisme, la com paraison cas particulier du paralllisme , la mtamorphose paralllisme projet dans le temps , la m taphore paralllisme rduit un point.
Les variantes euphoniques de ce procd de juxtaposition sont : la rime, lassonance et lallitration ou rptition des sries de sons. Il existe des vers qui se caractrisent essentiellement par un recours privilgi leuphonie. Est-ce un recours aux sons? Si oui, il sagit alors d une varit de la musique vocale musique vocale infrieure. L euphonie ne repose pas sur des sons mais sur des pho nmes, c est--dire des reprsentations acoustiques capables de sassocier avec des reprsentations smantiques.
On ne peroit la forme d un m ot moins q u elle ne se rpte dans le systme linguistique. La forme isole meurt; de mme la combinaison de sons dans un pome une sorte de systme linguistique in statu nascendi devient une image phonique terme de Brik : on ne la peroit q u la suite de la rptition.
Dans la posie contemporaine, les consonnes sont l objet d une attention exceptionnelle. Souvent, l tymologie po tique claire de telle sorte les rptitions sonores surtout du type AB, ABC, etc. Ainsi un Russe qui simagine les jours de la semaine sous forme de personnes voit le lundi et le dimanche comme des hommes, le mercredi, comme une fem m ea. Curieusement Rpine restait perplexe : pourquoi Stuck a-t-il reprsent le pch die Siinde en femme? De ce point de vue, on peut tablir les tapes suivantes dans l histoire de la posie russe bien q u tout moment, toutes les tapes puissent tre prsentes, en quelque sorte sur la priphrie de la posie.
Les mots qui riment sont avant tout lis, juxtaposs du point de vue smantique. Les mots qui riment ne sont pas lis entre eux par un rapport smantique, mais sont runis par leur importance sur le plan de la signification, par une sorte d accent sman tique.
Des mots extrieurs au propos essentiel, lintrt de la narration, des mots inessentiels sur le plan smantique tels les pithtes sont artificiellement promus au rang de por teurs de rimes.
Des mots qui sont logiquement presque extrieurs au texte, qui sont attirs ad hoc, riment entre eux. De cette manire apparat la valeur euphonique de la rime. Ponedel'nik, lundi, est en russe un nom masculin, voskresenie, dimanche, neutre, sreda, mercredi, est fminin. Sous une forme dissimule, ce sont prcisment les rimes entre les mots attirs ad hoc qui caractrisent la posie de manire gnrale.
R ich eta : La rime provoque le pome. L esprit fonc tionne par calembours. Un seul pas nous spare ici du langage arbitraire. Mon premier rapport lgard du mot, dit Khlebnikov, c est : trouver la pierre merveilleuse qui permet la transfor mation des mots slaves lun en lautre, sans rom pre le cercle des racines; fondre librement les mots slaves.
C est le mot autonom e hors de la vie pratique et des besoins quotidiens. M on deuxime rapport lgard du m ot : voyant que les racines ne sont que des fantmes derrire lesquels se dressent les cordes de l alphabet, trouver lunit de toutes les langues du monde, forme par les entits de l alphabet. C est la voie vers le langage transm ental universel.
Cette cration arbitraire de mots peut tre formellement relie la langue russe. Cependant, puisque ce dernier existe, puisque la tradition phontique est prsente, on ne saurait com parer le discours transm ental aux onomatopes prlin guistiques, pas plus q u on ne saurait le faire pour un Euro pen dnud d aujourdhui et un troglodyte nu.
C est le cas des glossolalies dans les sectes, que leurs crateurs croient tre des langues trangres. Khlebnikov justifie les a. Allusion louvrage de Charles Richet, Essais de psychologie gnrale, Paris, On peut frquemment observer, dans l histoire de la posie de tous les temps et de tous les pays, que pour les potes, selon l expression de Trdiakovski, seul importe le son.
Le langage potique tend, la limite, vers le mot phontique, plus exactement puisque la vise en question est prsente , euphonique, vers le discours transmental. Cependant Khlebnikov crit de cette limite mme : Pen dant que je les crivais, les mots d Ekhnaten m ourant : mantch, mantch, avaient sur moi un effet insupportable.
Et m aintenant, je ne les sens mme plus. Pourquoi je ne le sais moi-mme. Moscou, mai Traduit du russe par. Qu est-ce que la posie? Q uest-ce que la posie?
Si nous voulons dfinir cette notion, nous devons lui opposer ce qui n est pas posie. Mais dire ce que la posie n est pas, ce n est pas aujourdhui si facile. A l poque classique ou romantique, la liste des thmes potiques tait fort limite. Rappelons-nous les exigences traditionnelles : la lune, un lac, un rossignol, des rochers, une rose, un chteau, etc. Les rves romantiques eux-mmes ne devaient pas scarter de ce cercle. J ai rv aujourdhui, crit M cha, que j tais dans des ruines qui s croulaient devant et derrire moi, et sous ces ruines, des esprits fmi nins se baignaient dans un lac Comme un am ant va cher cher son amante dans un tombeau Ensuite, des ossements entasss, dans un difice gothique en ruine, senvolaient dehors p ar les fentres.
En fait de fentres, les gothiques connaissaient justement une faveur particulire, et la lune brillait ncessairement derrire elles. A ujourdhui, toute fentre est galement potique aux yeux du pote, depuis l immense baie vitre d un grand magasin jusqu la lucarne souille p ar les mouches d un petit caf de village. Et les a. Co je poesie? Pour le pote d aujourdhui comme pour le vieux K ara mazov il n y a pas de femmes laides. La question du thme po tique est donc aujourdhui sans objet.
Peut-tre peut-on dfinir l ensemble des procds poti ques, des Kunstgriffel Non, car l histoire de la littrature tmoigne de leur variation constante. Le caractre inten tionnel lui-mme de l acte crateur n est pas obligatoire. Il suffit de se rappeler combien souvent les dadastes et les surralistes laissaient le hasard faire des pomes. Il suffit de penser au grand plaisir que le pote russe Khlebnikov prenait aux fautes d impression: il proclamait q u une coquille tait parfois un artiste remarquable.
C est l incomprhen sion du Moyen Age qui a bris les membres des statues antiques; aujourdhui, le sculpteur sen occupe lui-mme, le rsultat une synecdoque artistique tant le mme. Par quoi sexpliquent les compositions de Moussorgski et les tableaux d Henri Rousseau, par le gnie de ces artistes ou par leur analphabtisme en m atire d art? Quelle est la cause des fautes de Nezval contre la langue tchque, le fait q u il ne l a pas apprise, ou que l ayant apprise il l a dlib rment rejete?
Comment serait-on parvenu un relche ment des normes littraires russes si l Ukrainien Gogol n tait pas venu, qui possdait mal la langue russe? Q uau rait crit Lautram ont la place des Chants de Maldoror sil n avait pas t fou? Ces questions font partie du mme. Mme si nous arrivions dterminer quels sont les pro cds potiques typiques pour les potes d une poque donne, nous n aurions pas encore dcouvert les frontires de la posie.
Les mmes allitrations et autres procds euphoniques sont utiliss par la rhtorique de cette poque, bien plus, ils le sont par le langage parl quotidien. Vous entendez dans le tramway des plaisanteries fondes sur les mmes figures que la posie lyrique la plus subtile, et les potins sont souvent composs selon les lois qui rgissent la composition des nouvelles la mode, ou du moins sui vant le niveau intellectuel du potineur celles de la saison passe.
La frontire qui spare luvre potique de ce qui n est pas uvre potique est plus instable que la frontire des territoires administratifs de la Chine. Novalis et Mallarm tenaient l alphabet pour la plus grande des uvres potiques. Les potes russes admiraient le caractre potique d une carte des vins Viazemski , d une liste des vtements du tsar Gogol , d un indicateur des chemins de fer Paster nak , et mme d une facture de blanchisseur Kroutchennykh.
Bien des potes proclament aujourdhui que le repor tage est une uvre o lart est plus prsent que dans le rom an ou la nouvelle. Nous aurions du mal nous enthou siasmer actuellement pour le petit village de montagne a, alors que les lettres intimes de Bozena Nmcov nous apparaissent comme une uvre potique de gnie. Il existe une histoire sur les champions de lutte grcoromaine- Le champion du monde est battu par un lutteur a. Allusion au rcit le plus populaire de B. Poherskd vesnice [Un village de montagne], U n des spectateurs dclare que cest une supercherie, provoque le vainqueur et le bat.
Le lendemain, un journal rvle que le deuxime combat tait lui aussi une supercherie convenue d avance. Le spectateur vient la rdaction du journal et gifle l auteur du com pte rendu. Mais les rvlations du journal et l indignation du specta teur taient, elles aussi, des supercheries convenues d avance.
Ne croyez pas le pote qui au nom de la vrit, de la ralit, etc. Tolsto refusait son uvre avec irritation, mais ne cessait pas d tre un pote, car il se frayait un chemin vers des for mes littraires nouvelles et encore inusites. On a dit fort justement que lorsquun acteur rejette son masque, il montre son maquillage. Il suffit de rappeler un vnement rcent, la farce carnavalesque de Durych a. Ne croyez pas non plus le critique cherchant querelle un pote au nom de l au thenticit et du naturel, il rejette en fait une tendance potique, c est--dire un ensemble de procds dformants, au nom d une autre tendance potique, d un autre ensem ble de procds dformants.
Un artiste joue tout autant lorsquil annonce que cette fois, ce ne sera pas de la Dichtung, mais de la Wahrheit toute nue, ou lorsquil affirme que telle uvre n est que pure invention, et que de toute faon, la posie est mensonge, et le pote qui ne se met pas mentir sans scrupules ds le premier mot, ne vaut rien.
Il se trouve des historiens de la littrature qui savent sur le pote plus de choses que le pote lui-mme, que l esth ticien qui analyse la structure de son uvre, et le psycho logue qui tudie la structure de sa vie mentale. Ces histoa. Durych a t attaqu par! Durych rpond dans un article intitul M asopust Carnaval o il simule ironiquement le com por tement du repenti, et accepte en apparence les argum ents de son adver saire.
Ces expressions sont toutes des citations tires de ltude HlavCkova dekadentni erotika [lrotisme dcadent de HlavCek], un des chapitres d un recueil rcent de Soldan a. Les rapports entre la posie rotique et lrotisme du pote sont dcrits comme sil ne sagissait pas de notions dialec tiques, de leur transform ation et de leur renversement cons tants, mais des articles immuables d un dictionnaire scienti fique; comme si le signe et la chose signifie taient lis une fois pour toutes monogamiquement, et comme si lon oubliait ce que la psychologie sait depuis longtemps, q u au cun sentiment n est si pur q u il ne soit ml du sentiment contraire ambivalence des sentiments.
Bien des travaux d histoire littraire appliquent aujour d hui encore avec rigidit ce schma dualiste : ralit psy chique fiction potique, et cherchent entre lune et lautre des rapports de causalit mcanique. De telle sorte que nous nous posons malgr nous la question qui tourm entait un gentilhomme franais des temps anciens : la queue est-elle attache au chien, ou le chien sa queue? Le journal de Mcha, document hautement instructif, que lon dite malheureusement encore avec des lacunes considrables, pourrait nous prouver la strilit de ces quations deux inconnues.
Certains historiens de la litt rature ne tiennent compte que de luvre publique des a. Soldan, critique de troisime zone, est lauteur du livre Karel Hlavcek, typ cesk dekadence [K. Les lacunes du journal de Mcha sont restes pour que la jeunesse rveuse qui admire la statue de Myslbek P etin a ne subisse pas une dception.
Mais comme Pouch kine l a dj dit, la littrature, et, ajouterons-nous, les sour ces historico-littraires plus forte raison, ne peuvent pas avoir d gards pour les jeunes filles de quinze ans, qui d ailleurs lisent aujourdhui des choses plus scabreuses que le journal de Mcha.
Dans son journal, M cha1, le pote lyrique, dpeint de manire paisiblement pique ses fonctions physiologiques, rotiques ou excrmentielles. Avec la prcision inexorable d un comptable, il note en se servant d un code lassant 1. Pomes : Tes yeux bleus. Lvres vermeilles. Cheveux d or Mrinka : Ses cheveux noirs et dpourvus d artifices tom baient en lourdes boucles autour de son visage ple et amaigri, empreint d une grande beaut, sur sa robe blanche immacule, ferme en haut jusquau cou, touchant en bas le petit pied lger, dessi nant une haute silhouette lance.
U n lien noir enserrait sa taille mince, et une broche noire ornait son beau front haut et blanc. Mais rien n attei gnait la beaut de ses yeux noirs et ardents, profondment enchsss dans leurs orbites. Leur expression de tristesse et de nostalgie, aucune plume ne pourra la dpeindre Cikni [Les Tsiganes] : Ses boucles noires rehaussaient la pleur charm ante de son doux visage; et les yeux noirs qui souriaient aujourdhui pour la premire fois n avaient pas encore quitt leur longue tristesse Le journal : J ai soulev sa jupe et je l ai regarde par-devant, de ct et par-derrire Elle a un c-1 du tonnerre de dieu Elle avait de belles cuisses blanches Je jouais avec sa jam be, elle a t son bas, sest assise sur le canap, etc.
Joseph Vaclav Myslbek , clbre sculpteur tchque, dont lune des uvres les plus conventionnelles est le m onum ent M cha sur la colline de Ptrin Prague.
Sabina dit de Mcha que des yeux sombres au regard pntrant, un front majestueux o de profondes penses se lisent, cet air de mlancolie que la pleur surtout exprime, une apparence de douceur et d abn gation fminine, le captivaient plus que tout chez le beau sexe. Oui, cest bien limage de la beaut des jeunes filles dans les pomes et les rcits de Mcha, mais dans son jour nal, les descriptions de la bien-aime rappellent plutt les torses fminins sans tte des tableaux de Sima. Le rapport entre la posie et le journal, est-ce le rapport entre Dichtung et Wahrheitl Certainement pas; les deux aspects sont galement vrais, ils ne reprsentent que des significations diffrentes ou, pour employer un langage savant, des niveaux smantiques diffrents d un mme objet, d une mme exprience.
Un cinaste dirait q u il sagit de deux prises distinctes d une mme scne. Le jo u r nal de M cha est une uvre potique aussi bien que M j [Mai] ou Mrinka, on n y trouverait pas une ombre d utilita risme, c est purement de lart pour lart, de la posie pour le pote.
Mais si Mcha vivait aujourdhui, peut-tre est-ce la posie biche, blanche biche, coute mon conseil, etc. Nous le rapprocherions de Joyce et de Lawrence, auxquels bien des dtails Papparentent, et un critique cri rait que ces trois auteurs sattachent donner une image authentique de lhomme dbarrass de toutes les rgles et de toutes les lois, qui ne fait plus que flotter, couler, se dres ser comme un pur instinct. U n pome de Pouchkine : Je me rappelle ce merveilleux instant tu es apparue devant moi comme une vision fugi tive, comme le gnie de la pure beaut.
Dans sa vieillesse, Tolsto sindignait que la dame chante dans ce noble pome ft celle que l on retrouve dans une lettre un peu leste o. Pouchkine crivait un ami : aujourdhui, avec l aide de Dieu, j ai eu Anna M ikhalovna 1. L intermde bouffon d un mystre n est pas un blasphme!
L ode et la parodie sont quivalentes en ce qui concerne la vrit, ce ne sont que deux genres potiques, deux moyens d expression q u on peut appliquer au mme thme. Le thme qui torture M cha sans cesse et toujours nouveau est le soupon de ne pas avoir t le premier am ant de Lori.
Dans M j ce m otif prend la forme suivante : A h elle, elle! L e m eu rtrier, son fils, Il a sduit la fille q u e j aim e! S ans qu e je la connaisse. Dans son journal, Mcha raconte q u il a broch des livres avec Lori, quil la prise deux fois, ensuite nous avons de nouveau parl du fait q u elle stait donne quelquun, elle a souhait m ourir; elle a dit : O G ott! Wie unglcklich bin ich!
Suit une nouvelle et violente scne rotique, puis une description du pote allant pisser. En conclusion, la sentence suivante : Dieu lui pardonne si elle me trompe, je ne la quitterai pas si seulement elle m aime et j en ai l im pression, je prendrais mme une putain si je savais q u elle m aime.
Dire que le second m otif est une fidle photographie des faits tandis que le premier celui de Mj n est q u une inven tion de pote, cest simplifier la ralit comme un manuel de l enseignement secondaire.
La version de M j est peut1. La formule originale est plus drastique. N oublions pas que les motifs suicidaires des pomes de Maakovski furent tenus nagure pour un simple truc littraire, et le seraient probablement encore si Maakovski, comme Mcha, tait m ort prm atu rment d une pneumonie.
Au sujet de Mcha, Sabina dit que dans les notes trou ves aprs sa mort, nous pouvons lire la description frag m entaire d un homme de style no-romantique, qui semble tre la fidle image du pote lui-mme et le principal modle selon lequel il crait ses personnages amoureux. Le hros de ce fragment se tua aux pieds de la jeune fille q u il aim ait avec ferveur, et qui rpondait cet am our avec plus de ferveur encore. Pensant q u elle avait t sduite, il ladju rait de lui dnoncer son sducteur afin de la venger; elle niait; il flamboyait de colre, de fureur; elle prenait Dieu tm oin; une pense alors le traversa comme un clair : Je l aurais tu, lui, pour la venger; mon chtiment aurait t la m ort; q u il vive; moi, je ne le puis.
Il dcide donc de se suicider et se dit, en pensant sa bien-aime que c est un ange de compassion, que mme son sducteur, elle ne veut pas le rendre malheureux , mais il comprend au der nier moment q u elle la trom p et son visage d ange se transform e ses yeux en figure diabolique Mcha parle de cet pisode de sa tragdie sentimentale dans une lettre un ami intime : Je vous ai dit une fois q u il y avait une chose qui pouvait me rendre fou : elle est l eine Nothzucht ist unterlaufen D e mme, dans Cikni [Les Tsiganes] : ' fon pre!
Trois versions, par consquent : meurtre et chtiment, suicide, fureur et rsignation. Chacune de ces versions a t vcue par le pote, toutes sont galement vraies sans que lon ait savoir laquelle, parm i les possibilits donnes, fut ralise dans la vie prive, et laquelle dans l uvre litt raire. D ailleurs, qui peut tracer une frontire entre le suicide et le duel de Pouchkine, ou la m ort de Mcha, d une absur dit digne d un recueil de lectures scolaires a l?
Le constant passage entre la posie et la vie prive n appa rat pas seulement dans le caractre fortement communi catif de l uvre potique de Mcha, mais aussi dans la pntration profonde des motifs littraires dans sa vie- A ct des considrations sur la gense psychologique, indivi duelle, des humeurs de M cha, on est fond poser la ques tion de leur fonction sociale. Il est tromp, m on am our n est pas seulement laffaire prive de Mcha, comme Tyl l a fort justem ent expos dans son magistral pam phlet Rozervanec [Vgar], c est un devoir, car le mot d ordre de lcole littraire de Mcha snonce ainsi : la douleur seule est mre de la vritable posie.
Sur le plan de lhistoire littraire je rpte sur le plan de lhistoire littraire , Tyl a raison lorsquil proclame : il convient M cha de pouvoir dire q u il est malheureux en amour. Voici comment Mcha, malade, parle de son tat trois jours avant sa m ort : J ai lu que Lori tait alle dehors, q u elle tait sortie de notre maison, alors je me suis mis dans une rage telle que j aurais pu en m ourir.
Aussi ai-je trs mauvaise mine depuis. J ai tout cass autour de moi, et j ai pens tout de suite q u il fallait que je m en aille d ici, et elle, q u elle pouvait faire ce q u elle voulait. Je sais pourquoi je ne veux mme pas q u elle sorte de la maison. En vers ambiques, il menace ainsi sa matresse : Bey meinem Leben schwr ich D ir, D u siehst mich niemals wieder.
O n dit que M cha est m ort d une pneumonie, q u il aurait attrape en aidant teindre un feu en ville. Le thme du sducteur et du jaloux est un bouche-trou commode pour la pause, le moment de fatigue et de tristesse qui suit l assouvissement de lamour. Le sentiment de lassilude et de dfiance se cristallise dans un m otif conventionnel Iravaill en profondeur par la tradition potique- Dans une lettre un ami, Mcha souligne lui-mme la coloration litt raire de ce m otif : Des choses comme celles qui me sont arrives, ni Victor Hugo ni Eugne Sue dans leurs rom ans les plus effrayants n ont t mme de les dcrire, mais moi, je les ai vcues et je suis un pote.
Que cette mfiance destructrice ait un fondement rel ou q u elle soit l invention gratuite d un pote, comme lindique Tyl, cette question n a d intrt que pour la mdecine lgale. Toute expression verbale stylise et transforme, en un cer tain sens, lvnement q u elle dcrit.
L orientation est don ne par la tendance, le pathos, le destinataire, la censure pralable, la rserve des strotypes. He went on to publish three. Ford Madox Ford and Visual Culture. The controversial British writer Ford Madox Ford is increasingly recognized as a major presence in early twentieth-century literature. This series of International Ford Madox Ford Studies was founded to reflect the recent resurgence of interest in him.
Each volume is based upon a particular theme or issue; and relates. The Erotics of Materialism. In The Erotics of Materialism, Jessie Hock maps the intersection of poetry and natural philosophy in the early modern reception of Lucretius and his De rerum natura. Brill MyBook. Ordering from Brill. Author Newsletter. Piracy Reporting Form. Catalogs, Flyers and Price Lists. How to Manage your Online Holdings. Sales Managers and Sales Contacts.
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